Numérique et climat, c’est compliqué

Numérique et climat, c’est compliqué
Photo par Joyce McCown.

Cet article fait partie d’une série posant la question : quelle est la place du numérique dans un monde bas carbone ?

Introduction

Le domaine du numérique a un impact non-négligeable sur l’environnement, en particulier concernant les GES (gaz à effet de serre). Son implication dans les différents secteurs de l’économie et dans nos vies en fait un domaine encore plus stratégique pour les années à venir. En effet, l’objectif est de vivre dans un monde bas carbone tout en bénéficiant au maximum des bienfaits du numérique.

Dans cet article, j’établis tout d’abord un état des lieux.

Photo par Massimo Botturi représentant la matérialisation du numérique.

Empreinte carbone du numérique

Le numérique est, on ne peut moins “dématérialisé". Fabriquer les terminaux nécessite une immense chaîne industrielle et une infrastructure de même envergure pour faire transiter et stocker les données. Le domaine représente 3 à 4 % des émissions de GES dans le monde et 2,5 % de l’empreinte carbone nationale. À titre de comparaison, le secteur de l’aviation produit 2 % des émissions de GES mondiales et 5,3 % à l’échelle française.

La majorité de l’empreinte provient de la construction des terminaux (entre 65 et 92 %), ensuite elle vient de l’exploitation des centres de données (de 4 à 20 %) ainsi que les réseaux (de 4 à 13 %). Il s’agit ici de proportions. L’impact induit est plus élevé dans des pays produisant de l’électricité avec du charbon ou du gaz comme l’Allemagne, les Etats-Unis ou la Chine.

Photo par Dan Meyers représentant un barrage hydroélectrique.

Qu’est-ce que l’électrification ?

Nous entendons beaucoup parler d’électrification dans les médias. Il s’agit d’un processus qui permet de nous rendre moins dépendants le plus simplement possible des énergies carbonées. L’électricité est ce qu’on appelle un vecteur d’énergie, et non une source d’énergie. Elle peut être produite grâce à du charbon, du gaz, du pétrole, des ENR (énergies renouvelables) ou du nucléaire par exemple. Électrifier les usines ou les voitures n’est réellement utile que si l’électricité est produite à partir d’une source (ou plutôt transformation) d’énergie décarbonée. Utiliser les ENR et le nucléaire dans un souci de décarbonation est utile. Remplacer du nucléaire par du gaz ou pire du charbon comme chez nos amis allemands et belges ne l’est pas.

Pour en revenir à ce qui nous intéresse, la décarbonation de la production d’électricité est une étape nécessaire pour respecter les accords de Paris, qui seront abordés dans le prochain article. Elle n’est cependant pas suffisante.

En effet, il est important de prendre en compte l’impact de l’extraction des minerais, les problématiques sociales qui sont liées ainsi que l’utilisation de notre environnement dans toute la chaîne de fabrication (comme l’eau par exemple).

Quelle est la tendance ?

Nous avons parlé stock, parlons flux. Le numérique connaît une augmentation considérable de ses émissions de GES et pourrait atteindre +60 % d’ici à 2040, soit 6,7 % des émissions nationales si rien n’est fait.

Cela est dû au renouvellement du parc informatique, autant des appareils domestiques que des serveurs dans les centres de données. Ce renouvellement est en partie induit par l’obsolescence programmée et à notre soif de chercher la nouveauté (les deux étant liés). L’augmentation de la quantité de données que nous pouvons transférer dans les forfaits téléphoniques et l’augmentation/la non-optimisation des données transférées par les applications que nous utilisons sont aussi coupables.

Évolution 2013-2025 de la part du numérique dans la consommation d’énergie primaire mondiale (The Shift Project - Forecast Model 2021)

Effet rebond

Quand on parle de l’impact carbone du numérique, nous ne pouvons pas passer à côté de la notion d’effet rebond. À titre d’exemple le covoiturage ((re)popularisé par Blablacar) n’est pas aussi vertueux pour l’environnement, car le fait de rendre plus accessible les déplacements a poussé plus de personnes à se déplacer. L’ADEME précise cependant que même si les bénéfices sont réduits à cause de l’effet rebond, ils n’en sont pas moins existants. Il y a d’autres exemples qui sont bien plus importants : le télétravail a permis de révolutionner les façons de travailler, de vivre et de se déplacer. Il est souvent plébiscité pour son impact positif sur l’environnement, c’est toutefois plus complexe que cela. Le télétravail permet à des individus de travailler sur Paris tout en vivant à Nice et de faire des allers-retours 2 fois par mois en avion, alourdissant l’empreinte carbone de ces derniers.

Le numérique étant lié à tous les pans de l’économie, son impact, qu’il soit positif ou négatif, doit être bien pris en compte avec les potentiels effets rebonds.

Conclusion

Vous l’avez compris, le numérique n’est pas un secteur dont l’impact est négligeable. Le GIEC rappelle dans son troisième rapport que toute action même minime doit être entreprise. L’inaction coûtera plus cher que l'action. Nous le voyons avec la crise énergétique à laquelle nous devons faire face en Europe au moment où j’écris ces lignes.

Je détaillerai dans un prochain article les objectifs que se sont fixés plusieurs pays dont la France en signant les accords de Paris, les impacts sur le secteur du numérique et comment cela se répercute à différentes échelles.