Qu'est-ce que le Slow Web ?

Qu'est-ce que le Slow Web ?
Photo par Jayden Sim

Introduction

Le Slow Web est un mouvement dissident militant pour un internet plus respectueux des utilisateurs. Ce mouvement s’insurge des droits élémentaires que nos services numériques peuvent légalement bafouer. Il a été initialement imaginé par Tariq Krim.

Le comportement des réseaux sociaux est régulièrement pointé du doigt, pourtant ce mouvement alternatif est peu connu en France. Je vous propose donc que nous prenions quelques minutes ensemble pour explorer un internet alternatif.

Le mouvement Slow Web milite pour la mise en place de 4 droits fondamentaux :

Photo par Sivani Bandaru

1. Le droit de ne pas être manipulé

Ce droit porte 2 revendications :

  1. La mise en place d’un design propre. Nous sommes pressés quand nous naviguons et notre capacité de décision s’en trouve diminuée. Les “designers” connaissent ce principe et en tirent parti pour que nous acceptions plus facilement les cookies et l’envoie de la newsletter (boutons plus visibles, cases de consentement inversées). Le mouvement Slow Web milite pour que ces pratiques soient bannies et que le design ne soit pas un élément trompant notre capacité de décision.
  2. Arrêter de jouer sur les mécanismes de notre attention. Les réseaux sociaux et les jeux mobiles ont bâti leur empire sur ce principe. En s’alliant avec des chercheurs en psychologie, les concepteurs de ces applications ont réussi à créer des mécanismes d’addiction. Le Slow Web demande à ce que tout mécanisme à but addictif soit interdit et que l’on revienne sur un modèle ou les applications se concurrencent sur la valeur et l’expérience qu’elles apportent à l’utilisateur.
Le design ne doit pas être un élément de captivité ou un élément de manipulation de l’utilisateur.
Photo par Lawrence Aritao

2. Le droit à la vie privée

Personne ne devrait être capable d’étudier notre comportement en ligne. Cette assertion semble simpliste puisque nous avons été habitués à être analysés par les applications que nous utilisons au quotidien.

Pourtant ce principe est appliqué dans la vie civile. Aucune entité privée n’aurait le droit d’utiliser des drones pour étudier le comportement des gens chez eux, déterminer si ces personnes sont âgées ou enceintes. C’est notre droit de vie privée.

Passé le pas de la porte, je suis chez moi.

Au même titre, passé la page d’authentification je suis chez moi et tout ce que je fais, tout ce que je crée, tout ce que j’expose fait partie de ma vie privée. Il devrait être interdit que mes photos soient étudiées par des intelligences artificielles à des fin commerciales (ceci n’est qu’un exemple, la liste des abus est longue).

3. Le droit de ne pas être dérangé

Différentes études ont démontré que nous ouvrons notre téléphone entre 150 et 300 fois par jour. Seulement je m’interroge… Quelle autre action faisons-nous consciemment autant de fois dans notre journée ? Aucune.

Les actions que nous répétons aussi fréquemment sont systématiquement machinales (respirer, mâcher, marcher).

Nous déverrouillons notre téléphone pour plusieurs raisons. La première d’entre elles est que nous sommes sans cesse interrompus par nos services numériques. Nous recevons des centaines de notifications, de messages et de mails par jours.

Le mouvement Slow Web milite pour un monde où, comme dans le monde réel, nos services ne nous contactent que pour des raisons importantes. Le faible coût des messageries en ligne ne doit pas être synonyme de harcèlement commercial.

Photo par Jakob Braun

4. Le droit de pouvoir partir

Avec l’avènement d’Internet, nous avons commencé à consommer des services hautement personnalisables. Voici quelques exemples :

  • Sur Spotify, je peux créer mes propres playlists
  • Sur Google Photo, je peux stocker toutes mes photos
  • Sur PolarSteps, je peux créer des carnets de voyage

Tous ces services ont des concurrents directs, proposant un service identique. Pourtant, la mobilité des données est impossible entre 2 services concurrents.

Si l’utilisateur souhaite quitter son prestataire (hausse de tarifs, conflit quelconque), il le peut mais il devra tout recommencer chez un concurrent.

L’effort à fournir est si grand que l’on se sent “piégé”.

Les prestataires jouent sur ce sentiment d’enfermement. Le mouvement Slow Web milite à l’inverse pour que ces entreprises soient légalement contraintes à assurer la portabilité des données de leurs utilisateurs.

Le Slow Web, mouvement dissident ou utopiste ?

Les porteurs du Slow Web décrivent le mouvement comme dissident. J’ajouterais qu’il est aussi utopiste, malheureusement.

Ce modèle s’inscrit en faux avec tous les mécanismes de rentabilité qui se sont imposés en ligne ces 15 dernières années. Internet étant un écosystème très (trop?) concurrentiel, une application proposant un service et portant les valeurs du Slow Web aurait peu de chances de survivre. Les utilisateurs ne sont pas prêts à payer chaque service numérique qu’ils utilisent ce qui complique la mise en place d’un modèle économique à la fois viable et respectueux.

Et vous ? Seriez-vous prêt à payer vos services numériques (réseaux sociaux, messageries, stockages distants) ?