Un voyage dans le voyage.

Un voyage dans le voyage.

Début septembre nous avons créé notre agence de développement web. Jusqu’à présent, nous rencontrons nos clients en visio ce qui fait que nous pouvons assurer notre activité depuis n’importe où. Des raisons personnelles nous ont emmenées à vivre 3 mois à Istanbul, entre octobre et décembre.

Seulement voilà ! Cette situation n’est pas anodine car elle nous impose un voyage de 5000 km aller-retour. Réaliser ces trajets en avion représente 1 tonne de CO2 ce qui nous ferait dépasser nos droits carbones pour l’année 2022.

Nous ne pouvions pas proposer dans notre entreprise des prestations liées à l’environnement et fermer les yeux sur l’impact de notre vie personnelle. Nous avons donc décidé de faire une itinérance en transports en commun pour nous y rendre. Voici un article hors-série résumant cette aventure et ce que nous avons appris.

Contraintes

Avant toute chose, il me parait important de préciser que nous voulions que notre expérience soit comparable à l’avion (simplicité, coûts, confort). Nous avons alors posé les contraintes suivantes :

  1. Délais et coûts raisonnables
  2. Voyage agréable et confortable
  3. Arriver à destination à une date et une heure prévue

Ces contraintes ont éliminé plusieurs options comme voyager en stop car la date d’arrivée serait aléatoire. Nous n’avons pas non plus réalisé nos trajets (sauf exception) en bus de nuit car, même si nous aurions économisé les nuits d’hôtel, le confort aurait été discutable.

Voici un petit résumé des 4 étapes pour arriver à Istanbul.

Agréable balade dans Venise aux aurores. Palais des Doges, Venise, Italie.

Etape n°1 : Venise

Mardi soir, nous avons embarqué dans un Flixbus à direction de Venise. Ce trajet est le seul que nous avons réalisé en bus de nuit car la distance jusqu’à Venise était la plus longue que nous avions à couvrir. De plus, nous étions au début de notre voyage, c’est-à-dire plein d’énergie.

Nous sommes arrivés au petit matin à Venise et nous avons parcouru la ville au lever du soleil et sans touristes. Malgré la fatigue de la nuit, nous avons eu la chance de découvrir la singularité de la ville au plus beau moment.

Venise est une ville très connue, je ne vais pas m’étaler ici. Toutefois, si vous n’y avez jamais été, nous vous recommandons vivement de vous y rendre avant qu’elle ne se retrouve sous les eaux. La ville est certes atypique pour ses canaux et son ambiance, mais elle regorge aussi de richesses architecturales et artistiques. Vous découvrirez une ville dédiée aux piétons, aux rues étroites et sinueuses.

Vous serez aussi frappés par l’étendue et la densité de cette ville moyenâgeuse. Les canaux et l’urbanisme particulier de Venise ont permis de développer une cité à la densité comparable à nos villes actuelles sans motorisation ni dépendance à l’énergie. Venise est la preuve vivante qu’un modèle de cité dense est soutenable même dans un monde décarboné, à condition qu’une organisation optimale du territoire soit adoptée.

Si vous souhaitez en apprendre plus sur Venise, voici quelques threads Twitter intéressants :

Footing dans Zagreb pour s'imprégner de la ville.

Etape n°2 : Zagreb

Le lendemain à 14h (mercredi), nous avons pris un nouveau bus en direction de Zagreb (Croatie). Ce trajet de 6 heures fut l’occasion de rencontrer un couple de Français en vacances autour de l’Europe. Être les seuls français dans un bus à l’étranger rapproche immédiatement et nous avons eu l’occasion de nous revoir plusieurs fois dans nos itinéraires respectifs.

Zagreb est une petite ville (moins d’un million d’habitants) ressemblant beaucoup aux villes du nord de la France avec ses bâtiments modernes et ses grands boulevards propres. Le centre historique est très joli et toute la ville peut être visitée à pied en moins de 24h. En vous éloignant du centre vous rencontrerez des bâtiments à l’inspiration soviétique datant de l’époque où le pays appartenait à l’ex-Yougoslavie. La ville a conservé quelques anciens tramways ce qui contraste avec la modernité des bâtiments.

Ce voyage est aussi pour nous l’occasion de goûter les spécialités locales. Nous découvrons une pâte composée de blé et de fromage frais. Cette pâte à la texture molle est très populaire dans le pays, que ce soit dans les gratins des restaurants “chics” ou dans la cuisine de rue (accompagnée de fromage, de viande ou de pommes).

Discussion du projet autour d'un café à l'Hôtel Moskva, Belgrade, Serbie.

Etape n°3 : Belgrade

Vendredi midi, nous prenons un bus à direction de Belgrade en Serbie. Cette nouvelle étape nous fait sortir de l’Union Européenne pour un temps. Nous découvrons un pays aux campagnes pauvres et isolées. Durant le trajet nous rencontrons une mamie qui nous donne du gâteau maison à la pomme et un inconnu qui nous propose des shots de Whisky 😅.

Belgrade est une ville atypique aux banlieues pauvres et au centre historique très riche. La ville a choisi de ne pas reconstruire tous les bâtiments détruits lors de la guerre de Yougoslavie. Ainsi, en vous baladant dans Belgrade, vous rencontrerez sur votre chemin une succession de bâtiments historiques, de commerces et d’immeubles en ruine laissés à l’abandon.

Pour une douzaine d’euros vous pourrez manger une cuisine raffinée au Хотел Москва (Hôtel de Moscou), un des hôtels les plus anciens et les plus prestigieux du pays. Cet hôtel a été fréquenté d’un grand nombre de célébrités telles qu’Alfred Hitchcock, Nicolas Tesla, Albert Einstein, Richard Nixon ou Rajiv Gandhi.

Cathédrale Saint-Alexandre-Nevski, Sofia, Bulgarie.

Etape n°4 : Sofia

Samedi après-midi, nous prenons le dernier bus de notre voyage à destination de la capitale de la Bulgarie. Ce voyage est encore une fois l’occasion d’une belle rencontre avec 2 amies belges en voyage en Europe.

Nous découvrons Sofia, une ville où le très riche côtoie le très pauvre, créant une ambiance fort déroutante. Nous passons ainsi devant une grande maison française de champagne située près d’un parc où vivent de nombreux SDF et migrants. La ville est riche en monuments historiques et en parcs aux fontaines anciennes.

Nous voyons apparaître des “cantines locales” où il est possible de manger des plats typiques et équilibrés pour quelques euros. Nous découvrons aussi le yaourt bulgare, un yaourt liquide et salé très particulier.

Cette dernière étape est l’occasion pour notre jeune entreprise de signer ses 2 premiers contrats. Cette nouvelle est importante pour nous car elle confirme le fait que nous sommes capables de vivre de notre passion à peine sortis d’école et que des professionnels nous accordent leur confiance. C’est fort de cette idée que nous embarquons dans le célèbre train de nuit qui fait la liaison entre Sofia et Istanbul et qui nous mènera vers notre destination finale !

Un kahvaltı pour le premier repas en Turquie.

Bilan

Pour la première fois de notre vie nous avons voyagé loin sans prendre l’avion et cette expérience fut étonnamment plaisante. Nous avons la sensation d’avoir découvert de nombreuses choses dont nous serions passés à côté en prenant l’avion (monuments, paysages, cultures, gastronomies). Ce voyage fut aussi l’occasion de faire de belles rencontres dont nous nous souviendrons longtemps.

Est-ce plus cher de partir à Istanbul sans prendre l’avion ? Faisons un point sur le budget :

  • déplacements : 150 € (bus + train de nuit jusqu’à Istanbul)
  • hébergement : 100 € (auberges de jeunesse)
  • nourriture : 100 €

Le budget déplacement en lui-même est à peu près égal au prix d’un billet d’avion pour la Turquie, ce qui ne rend pas l’itinérance plus chère sur le point de vue du déplacement. À cela s’ajoute le budget nourriture et logement mais, même en prenant l’avion, nous nous serions logés / nourris quelque part et donc ce budget supplémentaire est à nuancer. Dans le cas où nous serions restés une semaine de plus à Lyon, nous aurions dépensé environ 110 € dans le logement et 70 € dans la nourriture. Le surcoût financier est plutôt faible.

Est-ce plus responsable de partir à Istanbul en transports en communs qu’en avion ?

  • avion (en incluant l’impact des traînées) : 450 kg eq CO2 / personne
  • transports en commun (1900 km en bus + 550 km en train) : 70 kg eq CO2 / personne

Source : https://monimpacttransport.fr/.

Ainsi, nous avons divisé par environ 6,5 l’impact carbone de notre déplacement. Ce chiffre est intéressant car un Français moyen doit diviser par 6 son impact carbone pour avoir un mode de vie soutenable sur le plan environnemental. Il n’est donc pas interdit de voyager, il suffit simplement de voyager autrement.

Enfin, il s’est avéré étonnement facile de conjuguer déplacements, visites et travail (he oui, il faut bien faire tourner l’entreprise !). Ainsi, sans prendre l’avion, nous pouvons continuer de voyager relativement rapidement (2500 km en une semaine), profiter du voyage et assurer la continuité de notre vie professionnelle.

Post Scriptum : Nous avons effectué cette aventure pour réduire nos émissions à notre échelle. Depuis, nous en avons discuté avec des amis qui ont été marqués par l'initiative. Nombre d'en eux ont changé leur plan d'utiliser l'avion pour voyager en train/bus. Il auront, eux aussi, de belles histoires à raconter et feront peut-être changer d'avis d'autres personnes, et ainsi de suite ... Il est important de ne pas attendre  "l'hydrogène vert" ou "d'avoir de l'argent puis d'agir plus tard". L'action se passe aujourd'hui et vous serez surpris de ce qu'elle peut vous apporter.

Tips : Les outils pour un voyage serein

Un tel voyage réserve quelques surprises car chaque pays possède des moeurs et des infrastructures différentes. Voici quelques astuces qui nous ont été très utiles au cours de notre voyage.

Les opérateurs téléphoniques européens ont des accords entre eux pour que les citoyens européens aient une grande quantité d’Internet dans les pays de l’UE. En-dehors, (Serbie, Turquie) le prix du Mo est de l’ordre de 50 €. Ainsi, la simple action d’ouvrir Instagram vous coûterait plusieurs centaines d’euros. Pensez alors aux choses suivantes :

  • désactivez l’itinérance des données avant de sortir de l’UE
  • téléchargez la carte Google Maps des zones où vous serez pour pouvoir vous déplacer hors ligne
  • télécharger le français et la langue locale dans Google traduction pour pouvoir communiquer avec les habitants du pays
  • créditez suffisamment d’argent sur votre CB car, sans internet, difficile d’effectuer un virement

De plus, assurez-vous de toujours garder 5 euros de monnaie locale par personne afin de payer de petites taxes pour sortir du pays (taxes à la gare routière par exemple). Nous donnions souvent nos dernières pièces de monnaie locale à des SDF avant de partir et, une fois à la gare routière, nous ne pouvions plus payer la taxe et nous avons failli rater notre transport.

Un dernier point, gardez toujours des euros sur vous. En dernier recours il peuvent (des fois en négociant un peu) être acceptés dans de nombreux pays.