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Utiliser le numérique pour décarboner notre société

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Cet article fait partie d’une sĂ©rie posant la question : quelle est la place du numĂ©rique dans un monde bas carbone ?

Introduction

Le numĂ©rique permet d’agrĂ©ger des masses d’informations nous permettant de prendre les meilleures dĂ©cisions possibles, de synchroniser au mieux l’offre et la demande ou de s’occuper de la gestion des flux (logistique, monĂ©taire, etc.).

En ce sens il s’agit d’un puissant levier pour rĂ©aliser la transition Ă©nergĂ©tique.

Dans cet article, je dĂ©taille les perspectives d’utilisation du numĂ©rique pour dĂ©carboner les pans de l’économie.

Feuille de route de l’Agence Internationale de l’Energie pour atteindre la neutralitĂ© carbone d’ici 2050. (Source)

Décarboner les secteurs économiques

Le numĂ©rique est un domaine qui vient en appui d’autres secteurs d’activitĂ©s : la bureautique est peut-ĂȘtre l’un des exemples les plus connus. Nous pourrions aussi citer les innombrables logiciels ERP qui permettent de faciliter l’organisation des entreprises.

Le gain, ici, est l’augmentation de la productivitĂ©.

Le numĂ©rique permet dĂ©jĂ  d’aider de cette maniĂšre : augmenter la productivitĂ© des entreprises qui dĂ©carbonent notre Ă©conomie (une sociĂ©tĂ© s’occupant de la rĂ©novation thermique des bĂątiments par exemple).

Parlons maintenant de cas d’usages qui dĂ©passent cela. Parlons de solutions qui, sans le numĂ©rique, sont tout simplement impossible Ă  rĂ©aliser.

Un exemple dans le domaine des transports : l'optimisation du taux de remplissage des camions

Les camions sont aujourd'hui nĂ©cessaires pour le dĂ©veloppement de l’économie. Leur nombre est tellement important que la simple optimisation dans leurs tournĂ©es de livraison ferait Ă©conomiser de nombreuses tonnes d’équivalent CO2.

Ce cas d’usage du numĂ©rique a mĂȘme valu l’attention du ministĂšre de l'Ă©cologie, du dĂ©veloppement durable et de l'Ă©nergie, chargĂ© des transports.

De nombreuses entreprises travaillent sur ces questions. L’idĂ©e Ă©tant, Ă  partir d’une liste de destinations ainsi que d’un lot de contraintes, de proposer la tournĂ©e permettant de limiter au mieux le nombre de kilomĂštres parcourus.

Ces contraintes peuvent ĂȘtre la signalisation, les embouteillages ou des demandes spĂ©cifiques de la part de client. Elles peuvent aussi ĂȘtre des directives de la prĂ©fecture qui interdisent de rouler dans une zone pour Ă©viter les dĂ©parts de feux durant les pĂ©riodes arides. Ces directives peuvent, en temps rĂ©el, ĂȘtre intĂ©grĂ©es dans le systĂšme d’information pour tracer un nouveau parcours de livraison.

Dans le mĂȘme thĂšme, depuis l’entrĂ©e en vigueur de la loi Climat et RĂ©silience le 24 aoĂ»t 2021, les vĂ©hicules de livraison vont devoir respecter des limites plus sĂ©vĂšres d’émissions polluantes pour accĂ©der aux agglomĂ©rations. Cette mesure et l’augmentation des prix des carburants vont rendre rentable le fait d’utiliser des VUL (vĂ©hicule utilitaire lĂ©ger) comme les vĂ©los-cargos. L’utilisation du numĂ©rique pour optimiser les courses peut lĂ  aussi permettre de rĂ©duire les coĂ»ts et de dĂ©velopper cette filiĂšre de livraison du dernier kilomĂštre. Cette derniĂšre est nĂ©cessaire pour respecter les accords de Paris et pour rendre les villes plus agrĂ©ables.

Le vélo est le moyen de déplacement le moins énergivore, rapporté à la masse transportée, que nous puissions utiliser.

Le ML : de nombreux cas d’usages

Le ML (machine learning, sous-domaine de l’intelligence artificielle) est un domaine stratĂ©gique sur ces sujets.

Il est possible d’utiliser le ML pour rĂ©duire le gaspillage alimentaire en optimisant les livraisons, en prĂ©voyant la demande, ou en amĂ©liorant les systĂšmes de rĂ©frigĂ©rations et en identifiant la production perdue.

De nombreux bĂątiments n’ont pas de donnĂ©es relatives Ă  leur consommation d’énergie, ce qui rend difficile d’appliquer une politique de rĂ©novation thermique. Le ML peut ĂȘtre utilisĂ© pour industrialiser la dĂ©duction des attributs d’un bĂątiment (matĂ©riaux de construction, volume des piĂšces, etc.) qui sont cruciaux pour obtenir des valeurs.

Un autre exemple concerne les Ă©missions de GES directement. Elles peuvent ĂȘtre traquĂ©es Ă  l’aide d’images satellites qui sont analysĂ©es par des solutions numĂ©riques en partie construites avec du ML.

AgrĂ©ger l’information

Pour mieux investir

Le numĂ©rique est trĂšs puissant quand il s’agit d’agrĂ©ger une masse d’informations, qui peut ĂȘtre rĂ©partie sur de nombreuses dimensions, afin de la prĂ©senter de façon comprĂ©hensible pour l’ĂȘtre humain.

Par exemple, Carbone 4 Finance propose aux institutions financiÚres des données ESG (Environmental, Social, and corporate Governance). ConcrÚtement, ils ajoutent la dimension risque climatique à chaque titre financier afin de conseiller les investisseurs. Les actifs bruns (carbonés) se retrouvent pénalisés.

Deepki propose une activitĂ© comparable mais centrĂ©e sur l’immobilier.

Une autre application du numĂ©rique et plus prĂ©cisĂ©ment du ML concerne la prĂ©vision de l’offre et de la demande. Un cas concret est le marchĂ© de l’électricitĂ© (ou plutĂŽt “les marchĂ©s”). À tout instant, le rĂ©seau Ă©lectrique doit-ĂȘtre Ă©quilibrĂ©, c’est-Ă -dire qu’il doit y avoir autant de producteurs que de consommateurs. Or, la production Ă©lectrique n’est pas instantanĂ©e et dĂ©pend Ă©normĂ©ment du type de centrale (nuclĂ©aire, Ă©olienne, barrage, etc.). Il faut donc prĂ©voir la demande Ă  l’avance. Avec ces quelques lignes, vous pouvez vous rendre compte du travail herculĂ©en que rĂ©alise RTE chaque jour en France pour que nous disposions de courant sans coupure.

Les marchĂ©s Ă©lectriques ont Ă©tĂ© construits pour rĂ©soudre le problĂšme de prĂ©vision de la demande. Ils sont les fruits de choix passĂ©s qui font qu’aujourd’hui le prix de l’électricitĂ© dĂ©pend fortement du gaz. Une commission de l’UE travaille depuis de nombreux mois pour proposer de nouvelles rĂ©gulations afin de supprimer cette corrĂ©lation et de retrouver un prix plus stable. L’utilisation du ML est possible afin de mieux prĂ©voir la demande et d’optimiser les marchĂ©s.

Il est aussi possible d’utiliser ce domaine du numĂ©rique pour mieux gĂ©rer la production Ă©lectrique qui sera plus dĂ©centralisĂ©e dans les annĂ©es Ă  venir en France, apportant son lot de difficultĂ©s.

Nota Bene : Si vous voulez comprendre la crise sur les prix de l’électricitĂ© que nous connaissons en France et par la mĂȘme occasion approfondir votre comprĂ©hension des marchĂ©s de l’électricitĂ©, je vous conseille cette sĂ©rie de vidĂ©o.

Pour mieux se préparer aux crises à venir

La dĂ©carbonation est au coeur de cet article, mais les consĂ©quences du dĂ©rĂšglement climatique sont dĂ©jĂ  lĂ . Les surfaces brĂ»lĂ©es ont connu un pic durant 2022, les inondations touchent des territoires dont l’urbanisme n’est pas adaptĂ©. L’agriculture est fragile face aux risques climatiques. Or, cela va aller en s’empirant. Il est important de redresser la barre (c’est un euphĂ©misme) mais il faut aussi se prĂ©parer aux risques climatiques.

Le numĂ©rique peut aider avec des cas trĂšs concrets. Nous pouvons traquer les tempĂȘtes, dĂ©terminer avec plus de prĂ©cisions l’augmentation du niveau de la mer, mais aussi prĂ©voir des inondations, feux, sĂ©cheresses.

Il est aussi possible de mieux conseiller dans la délivrance de permis de construire pour éviter des zones à risque ou pour modifier les constructions dans les zones qui le deviennent.

Les rues pavĂ©es, en plus d’ĂȘtre belles, sont trĂšs utiles durant les inondations : elles permettent une meilleure infiltration de l’eau dans le sol que les routes goudronnĂ©es, qui sont totalement impermĂ©ables. Photo par Luc Vlekken.

La technologie ne nous sauvera pas

Les lignes Ă©crites ci-dessus sont optimistes et sincĂšres. NĂ©anmoins, ne nous leurrons pas, la technologie (ici le numĂ©rique) n’est qu’une partie de la solution et peut aussi ĂȘtre une partie du problĂšme.

La dĂ©mocratisation des ordinateurs a permis un accĂšs facilitĂ© Ă  la connaissance, mais le nombre d’appareils et, surtout, le taux de renouvellement est tellement grand Ă  l’échelle de l’humanitĂ© que cela créé une pression sur les ressources miniĂšres ou l’eau pour ne citer qu’elles. Nous pourrions aussi parler longuement des conditions de travail des ouvriers.

De nombreux buzzword sont employĂ©s Ă  tors et Ă  travers pour faire rĂȘver d’un futur utopique dans lequel nous pouvons rester dans un confort dĂ©mesurĂ©, perpĂ©tuel, sans consĂ©quence sur notre planĂšte. Smart cities, smart grid ou blockchain sont autant de mots utilisĂ©s sans rĂ©ellement comprendre de quoi il est question et quels sont les impacts.

Par exemple, les cryptomonnaies sont symptomatiques d’un numĂ©rique hors-sol qui ne prend pas en considĂ©ration le climat. Quand il s’agit d’une expĂ©rimentation avec une finalitĂ© sociale (dĂ©centralisation) cela peut s’entendre. Cependant, nous parlons ici d’un dĂ©ploiement mondial avec de rĂ©els cas d’usage qui peinent Ă  se voir, tout en Ă©tant responsable de l’émission de million de tonnes de CO2.

Je tiens Ă  prĂ©ciser que le choix des usages que nous faisons du numĂ©rique est primordiale : le machine learning peut aussi bien ĂȘtre utilisĂ© pour faire de la maintenance prĂ©dictive et ainsi rĂ©parer Ă  temps une piĂšce usagĂ©e au lieu de remplacer tout l’appareil, permettant d’utiliser moins de ressources. Cependant, ces techniques peuvent aussi ĂȘtre utilisĂ©es pour prolonger l’extraction pĂ©troliĂšre ou prolonger la mise en service de centrales Ă©lectriques Ă  charbon ou gaz.

Conclusion

Pour finir sur une note positive, je reste convaincu que le numérique est nécessaire pour que nous puissions réaliser la transition énergétique.

En effet, l’une des raisons pour laquelle cette transition est nĂ©cessaire est l’approche des pics d’extractions des Ă©nergies fossiles. Cela veut dire que chaque jour qui passe nous pouvons extraire de moins en moins de baril de pĂ©trole, tonne de charbon ou mĂštre cube de gaz.

Cette transition peut nous permettre de baser notre Ă©conomie sur des sources dĂ©carbonĂ©es : c’est ce que nous appelons dĂ©carboner notre Ă©conomie et donc, de moins dĂ©pendre de ces sources qui s’épuisent.

Or, comme l’activitĂ© Ă©conomique est corrĂ©lĂ©e avec notre capacitĂ© Ă  transformer (ӈ utiliser de l’énergie”, cf. graphe ci-dessous) et que le sevrage Ă©nergĂ©tique risque d’ĂȘtre consĂ©quent cela veut dire que nous allons devoir faire mieux avec moins.

DĂšs lors, le numĂ©rique nous permet d’utiliser au mieux les ressources dont nous disposons. Il s’agit d’une partie de la solution qui peut nous Ă©viter de retourner au moyen-Ăąge.

On observe que le PIB mondial est intrinsĂšquement liĂ© Ă  la consommation d’énergie: la production de richesse (au sens du PIB) est proportionnelle Ă  la quantitĂ© d’énergie consommĂ©e.

Le combat contre le dérÚglement climatique pose des questions aux nuances complexes et il est facile de tomber dans une idéologie qui semble trouver des réponses simples.

H. L. Mencken : "For every complex problem there is an answer that is clear, simple, and wrong.”

J’espĂšre que cette sĂ©rie d’articles se demandant quelle est la place du numĂ©rique dans un monde bas carbone vous a plu. De nombreux axes restent Ă  approfondir, les prochains articles s’en chargeront.

Vous avez pu le constater, le numĂ©rique peut aider les entreprises Ă  dĂ©carboner leur activitĂ© dans de nombreux cas, sans mĂȘme que les dirigeants ne s’en rendent compte.